L'assureur, l'oignon et le moustique

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L'assureur, l'oignon et le moustique

Récemment, une équipe de chercheurs d'une entreprise alimentaire japonaise a réussi à isoler une enzyme contenue dans les oignons pour les rendre \"inoffensifs\", entendez pour qu'ils ne fassent plus pleurer le préposé à la pelure. La \"synthase d'agent lacrymal\", qui transforme l'acide sulfénique en un gaz irritant, est donc neutralisée: le risque de chaudes larmes culinaires est écarté. Et par-là même, l'oignon sent moins fort ! Que demande de plus le commis ? Si la recherche a été jugée inutile et insolite par la prestigieuse Université d'Harvard qui lui a remis un Nobel, elle est, du moins, symptomatique d'une société en quête de sécurité et de confort absolu: on neutralise le risque, pour tendre vers la certitude de ne subir aucun désagrément.Pareillement, une étude américano-chinoise, publiée le 12 juin 2015, dans la revue Science, promet de transformer les moustiques qui piquent en moustiques qui ne piquent pas ! Comment ? En transformant les femelles ... en mâles; puisque seules les femelles piquent pour porter les oeufs à maturité. Du coup, il \"suffirait\" d'intégrer le gène SRY dans tous les embryons de moustiques, et me^mes ceux qui devraient naître femelles deviendraient des mâles, car, lors du développement de l'embryon, c'est bien la présence de ce gène qui déclenche.... la masculinité. Les paranoïaques de la dengue et du chikungunya pourront ainsi être rassurés, le risque zéro sera pour bientôt, au moins dans les régions pouvant bénéficier d'un tel traitement ! Pour gagner en certitude, éliminer le risque: c'est effectivement la voie la plus directe.

Enfin, il y a la théorie du risque en matière d'assurance. Fondée sur la théorie développée par Frank Knight, en 1921, cette théorie rend assurable ce qui est probabilisable. Et, tel est le cas à force de symétrie informationnelle; La crainte de l'assureur? La distorsion d'informations, d'abord au moment de la souscription de la police; ensuite, au cours de la couverture d'assurance. \"Plus faibles sont les risques, meilleure est l'entreprise\" - ce n'est pas d'Henri de Castries, PDG d'Axa, mais de Sophocle dans Philoctète.

Dans le premier cas, l'assuré est tenu de répondre exactement aux questions précises posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel celui-ci l'interroge, lors de la conclusion du contrat, et qui sont de nature à lui faire apprécier les risques qu'il prend en charge. Et, pour pouvoir se prévaloir de la réticence ou de la fausse déclaration, encore faut-il établir que son inexactitude résulte d'une réponse à une question précise posée par l'assureur lors de la conclusion du contrat et de nature à lui faire apprécier les risques pris en charge. C'est le rappel opéré par la Cour de cassation le 11 juin 2015.

Dans le second cas, et le même jour, les juges du Quai de l'Horloge indiquaient que, si l'assuré est tenu de déclarer en cours de contrat les circonstances nouvelles qui ont pour conséquence d'aggraver les risques ou d'en créer de nouveaux, ces nouvelles circonstances rendent inexactes ou caduques les réponses données à l'assureur lors de la souscription du contrat. En omettant d'indiquer le changement de conducteur principal d'un véhicule assuré en cours de contrat, l'assuré démontre ainsi sa mauvaise foi. Parce que l'assuré omet de signaler un tel changement, le contrat encourt la nullité.

Ces deux arrêts sont un parfait exemple de l'application de la théorie du risque en matière d'assurance et de la nécessaire \"probabilisation\" de ce dernier pour envisager, in fine, la perspective d'un gain... pour l'assureur. C'est là le risque inhérent aux vertus entrepreunariales.

Mais toute la quadrature du cercle est bien là : comment justifier les gains conséquents de nos assureurs, si la probabilisation tend vers le risque zéro. L'incertitude \"knightienne\" hantera toujours nos compagnies d'assurance, mais il faut avouer que les questionnaires d'informations, les tests médicaux et les clauses d'exclusion sont toujours plus précis, denses, intrusifs et nombreux. Finalement seule la cause -en voie de disparition elle aussi— entraînerait bien la nullité d'un contrat qui ne couvrirait plus que... l'absence de risque. Car si on a coutume que dire que l'aléaest l'élément caractéristique principal du contrat d'assurance, quid de cet aléa, lorsque le risque tend à disparaître ? Or, si l'aléa existera certes toujours, en l'absence de non risque absolu, force est de constater que son existence pratique dépend bien de son essence -dirait Sartre— : sans risque, point d'aléa.

\"Si vous voulez aller sur la mer, sans aucun risque de chavirer, alors, n'achetez pas un bateau : achetez une île !\" confesse Panisse dans le Fanny de Pagnol.

De la même manière que l'on neutralise l'enzyme pleurnicharde de l'oignon et que l'on crée des moustiques transgenres pour ne plus être piqué, dans quelle direction va le droit de l'assurance pour conforter une théorie du risque minimal? Vous aimez le surf? On vous apprendra à aimer le Scrabble !

Publié le 15-07-2015 dans NEWS / Actualité - Recherche, développement, études, lutte contre le Moustique: le meilleur de la revue de presse...FAKING NEWS'- Le Moustique et l'imaginaire : il fait sourire, surprend, agace, rend fou, stimule la créativité, parfois jusqu'au délire...

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